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Tract du 16 mai 2019

Publié le 16 mai 2019 à 10h33 - Mis à jour le 20 mai 2019 à 7h13

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Quand Carlos Ghosn festoyait aux frais des salariés de Renault et de Nissan

Le 9 mars 2014, Carlos Ghosn organisait dans les plus belles salles du château de Versailles une fête somptueuse payée par RN-BV, la filiale de Renault-Nissan basée aux Pays-Bas. Le cabinet missionné pour auditer les comptes de RN-BV parle de 636 000 €. Une vidéo de cette fête publiée sur internet met en scène une démesure et des symboles qui nous rappellent que bien des révolutions restent à (re)faire…

Un anniversaire peut en cacher d’autres…

L’avocat de C. Ghosn prétend que cette fête était donnée pour les 15 ans de l’Alliance Renault-Nissan, et non pour l’anniversaire du PDG. Pourtant sur cette vidéo, on le voit en smoking, entouré de toute sa famille et de 200 invités en tenue de gala, des proches prétendument choisis pour leur contribution à l’Alliance et leur connaissance du monde automobile comme l’acteur François Cluzet, le patron d’Amazon et milliardaire Jeff Bezos, le réalisateur Francis Ford Coppola, l’écrivain Amin Maalouf ou encore le couturier Elie Saab… ! 
 
Si cette soirée tombe pile-poil le jour des 60 ans de Ghosn, il y avait pourtant un autre anniversaire à célébrer : celui de la signature un an plus tôt du premier accord de compétitivité : le « Contrat pour une nouvelle dynamique de croissance et de développement social de RENAULT en France » du 13 mars 2013.
 
Un accord qui entraînera 10 000 suppressions de postes grâce à des départs volontaires et le blocage de nos salaires : une année blanche en 2013 pour les APR, les ETAM et les Cadres (0 % d’AGS et 0 % d’AI), la suppression des AGS pour les ETAM jusqu’en 2018, 1,25 % d’Augmentation Individuelle en moyenne sur 3 ans…
 
Un accord qui permettra à Renault d’augmenter sa marge opérationnelle grâce à la délocalisation de secteurs entiers de l’ingénierie vers les RTx, aux Workpackages (c’est-à-dire l’externalisation d’activités d’ingénierie/tertiaire), la remise en cause d’accords locaux sur les congés augmentant en moyenne de 6,5 % le temps de travail en usine sans hausse de salaire, ou encore la suppression de 4 jours de CEF par an sans compensation pour les ingénieurs et cadres…
 
Un accord qui ne bloquera pas la distribution de milliers d’actions gratuites pour les hauts dirigeants, et qui maintiendra un salaire mirobolant pour C. Ghosn. Bref, une occasion de lever encore son verre !

Rappelez-vous en 2013, c’était la catastrophe. Et un an plus tard, tout serait rentré dans l’ordre ?

Pour préparer les esprits début 2013, la direction de Renault invoquait une « baisse structurelle » du marché européen et menaçait de fermer 2 sites industriels français si des sacrifices n’étaient pas immédiatement consentis par l’ensemble des salariés de Renault sas.

A cette époque pourtant, le chiffre d’affaires de 2012 démentait le soi-disant manque de compétitivité de l’entreprise, puisque l’activité automobile était à l’équilibre et le flux de trésorerie disponible était de 600 millions d’euros. Renault n’avait plus aucune dette et dégageait même 1,65 milliards de cash. 508 millions d’euros de dividendes étaient maintenus en 2012 et 2013 (puis augmentés les années suivantes).

Si les ventes du groupe en Europe étaient passées de 1,64 millions de véhicules en 2010 à 1,55 en 2011, puis 1,27 en 2012, elles rebondissaient dès 2013 à 1,3 millions (puis 1,46 millions en 2014, 1,61 millions en 2015…). La « baisse structurelle » avait juste servi de prétexte pour imposer des sacrifices aux salariés.

A l’époque, SUD avait tiré la sonnette d’alarme et demandé l’organisation d’un débat au TCR pour parler de la productivité réelle issue des choix industriels de Ghosn depuis son arrivée à la tête de Renault. Nous avions sollicité le CE, sans succès.

Carlos Ghosn avait ensuite introduit une dose de cynisme et de provocation en conditionnant à la dernière minute, le report du versement de 30 % de sa part variable contre la signature de l’accord !

Bien que tous les salariés aient compris que ces 430 K€ de part variable n’étaient qu’une goutte d’eau dans l’océan de sa rémunération, alors qu’ils représentent des décennies de travail pour la majorité d’entre nous, ce geste « fort » allait pourtant emporter l’empathie des syndicats CFE-CGC/CFDT/FO qui signèrent l’accord de compétitivité.

Ces derniers n’imaginaient pas l’ingratitude en retour : même pas une invitation à la fête du château de Versailles un an plus tard !

En 2019, la page est-elle vraiment tournée ?

Après avoir défendu la « présomption d’innocence », il a fallu plusieurs mois et des cascades de révélations avant que le conseil d’administration de Renault ne prenne acte de la situation et ne se sépare de Carlos Ghosn. Mais est-il possible de croire que toutes ces « dérives » aient été possibles sans le silence et l’accord d’une grande partie de la direction de Renault ? Malgré quelques remaniements au Comité Exécutif et au Conseil d’Administration, beaucoup sont encore en place.

Le 12 juin 2019, l’Assemblée des Actionnaires de Renault s’apprête à se verser 1 milliard d’euros de dividendes. Une nouvelle année en or pour les actionnaires. Les choses de ce côté-là ne changent pas…

Les actionnaires auront aussi à valider les rémunérations des dirigeants. Le nouveau président de Renault, Jean-Dominique Senard, a réduit son salaire à 450 000 € par an (ce qui est déjà considérable), mais il peut se rattraper avec sa retraite chapeau de Michelin. Thierry Bolloré, directeur général exécutif de Renault, devrait percevoir une rémunération fixe de 900 000 €, avec une part variable allant jusqu’à 125 % de ce montant, soit 1,125 million d’euros supplémentaires. Sans compter les actions gratuites, dites de « performance », et autres primes, comme la « Part Variable Groupe » (ex PPG), versées aux cadres dirigeants.

A l’AG des actionnaires, nous aurons sûrement droit à de beaux discours. Les dirigeants du groupe vont promettre que rien ne sera plus comme avant. Mais les inégalités salariales vont continuer. Quant aux effectifs de Renault sas, à l’avenir de ses sites industriels et de son Ingénierie, l’inquiétude reste de mise.

En 2014, Ghosn jouait les Louis XIV à Versailles en fêtant nos reculs sociaux et le gel de nos salaires entouré de serviteurs en costume d’époque. Il s’agit désormais d’en finir avec un système bâti comme une royauté.

Le temps n’est plus aux courtisans, mais à une organisation démocratique de l’entreprise où la voix des salariés soit enfin entendue et leur travail reconnu.

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