Augmentation générale des salaires en dessous de l’inflation, augmentations individuelles et primes au rabais malgré les résultats « record » de Renault. La Campagne de Révision des Rémunérations (CRR) chargée de décliner l’accord salarial signé par la CFE-CGC et FO suite aux NAO est à l’avenant.

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Jeudi 20 février, la direction du Groupe Renault annonçait à la presse des résultats financiers « record » et « au-dessus des perspectives financières » pour l’année 2024. Jeudi après-midi, ce n’était plus la même musique lors des NAO (Négociations Annuelles Obligatoires) avec une augmentation moyenne des salaires de 2,6 % en 2025 contre 4 % en 2024. D’autant plus que le chiffre de 2,6 % cache bien des déconvenues dans le déploiement des mesures individuelles (« le diable est dans les détails »...).

Une Augmentation Générale des Salaires (AGS) en-dessous de l’inflation

Les AGS sont de 1,2% pour les non-Cadres et de 0% pour les Cadres. La direction prend comme référence une inflation de 1,2 % en 2024. Or selon l’INSEE, l’inflation moyenne en 2024 a été de 2 % (IPC : Indice des Prix à la Consommation), voire de 2,3 % selon les critères européens (IPCH : Indice des Prix à la Consommation Harmonisé). Et elle refuse toujours toute AGS pour les Cadres.

Augmentations Individuelles (AI) et primes : saupoudrage et arbitraire

AI et primes à la main du manager (N+1)

1) Non-Cadres (APR et ETAM)

• AI non-Cadres : 1,1 % en moyenne pour 80 % des non-Cadres (0% pour les autres)
• Niveaux d’AI par pas de 0,5 % (AI de 0,5 %, 1%, 1,5 %...)
• Prime de performance non-Cadres : 30 % des non-Cadres n’auront pas de prime
• « Contribution insuffisante » non-Cadres : ni AI, ni prime
• « Contribution partielle » non-Cadres : prime maxi 500 € ou AI maxi 0,5 %
   

(*) Explication : 30 % des salariés occupant un poste classé A1 à C6 (ex-APR) auront une prime de performance individuelle de 0 €.

2) Ingénieurs et Cadres : une usine à gaz !

• AI Cadres : 2 % en moyenne, AI de 1% à 7% (par pas de 0,5%).
• « Contribution insuffisante » Cadres : pas d’AI
• « Contribution partielle » Cadres : AI 1% possible

L’augmentation individuelle est modulée selon la notation du salarié et la « position » de son salaire par rapport au marché. Si le salaire actuel est considéré comme déjà au-dessus du marché (upper range), voire très au-dessus (above range), l’augmentation sera minorée. Et vice-versa. Mais la direction ne communique pas les niveaux de salaire du « marché » (la lettre de transparence a été supprimée depuis plusieurs années). Est-ce que le « marché » concerne uniquement les entreprises de la Métallurgie, les entreprises de tailles équivalentes au groupe Renault... ? Mystère.

Contrairement aux non-Cadres, la direction n’a pas communiqué le taux de Cadres qui n’auront pas d’AI.

• Part variable Cadres : 100 % des Cadres sont éligibles.... ce qui ne veut pas dire que tous les Cadres auront une part variable.

Les montants des parts variables sont « pré-documentés ». Les « niveaux de part variable » dépendent du poste occupé par le salarié, mais les règles sont loin d’être transparentes. Le poste (et donc le niveau de part variable) peut être défini par la classe d’emploi de la nouvelle convention collective de la Métallurgie ou par l’ancien job grading. Les « niveaux de part variable » seraient de :

• 6 % du forfait annuel pour les salariés qui avaient un job grading L3C ou L3B (ou une classe d’emploi F11 ou F12),
• 8 % du forfait annuel pour les salariés qui avaient un job grading L3A (ou une classe d’emploi G13),
• 12 % à 20 % pour les gradings supérieurs (chefs de service, experts...)
• + de 20% au-delà (directeurs...)

La prime est ensuite modulée selon la notation du salarié (c’est la « contribution » finale qui apparait dans l’entretien annuel) qui a été fixée lors des « people review » dans le cadre de quotas de notation.

Les cadres notés « contribution insuffisante » n’auront pas de part variable ou au maximum 10% de leur « niveau de part variable » (exemple : 0,6 % du forfait annuel des salariés classés F11 ou F12). Les cadres notés « contribution partielle » auront une part variable allant 10 % à 90 % de leur « niveau de part variable » (exemple : de 0,6 % à 5,4 % du forfait annuel des salariés classés F11 ou F12). La direction n’a pas communiqué le nombre de Cadres qui n’auront pas (ou très peu) de part variable.

Budget hors-manager

Une partie du budget global des augmentations individuelles échappe au manager :

• 0,2 % du budget des AI non-Cadres et Cadres est attribué à des augmentations de salaire réglementaires liées à l’ancienneté (augmentation de la prime d’ancienneté due à la progression de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise) et à la non-discrimination des femmes (neutralisation de l’absence en congé maternité [1]) et des représentants du personnel et syndicaux (loi Rebsamen censée éviter la discrimination syndicale [2]).
• Une part du budget est aussi à la main des RH : 0,1 % pour les non-Cadres et 0,4 % pour les Cadres dont des AI de « rétention » pour retenir les Cadres tentés d’aller voir ailleurs !

Pas de record pour la prime d’intéressement Groupe

La prime d’intéressement aux résultats financiers du groupe Renault sera de 2 537 € net pour un salarié payé au SMIC et de 6 895 € pour celui qui gagne 4 fois plus. Elle est en baisse d’environ 1% par rapport à l’an dernier.

De son côté, le dividende est en hausse cette année de 19%. Cela permet aux actionnaires de capter 85% des bénéfices avec 641 millions d’euros de dividendes sur 752 millions € de résultat net part du groupe.

Montant  : 1200 € + 89,31 € par tranche de 100 € de salaire brut mensuel Sécurité Sociale pour une année complète travaillée. C’était 1200 € + 90,79 € par tranche de 100 € de salaire brut en 2024.

Les salariés en Dispense d’Activité ne perçoivent pas la part fixe.

BNP (Balance Nos Primes)  : Renault verse nos primes à la BNP Paribas. Celle-ci enverra à chaque salarié un mail ou un courrier à son domicile à partir du 10 mars où il devra exprimer son choix avant le 24 mars 2025 sur le paiement ou le placement de la prime. Faute de réponse, la prime sera affectée sur le PEG et le PERECO sans possibilité de rétractation.

Incitations perverses : Placée sur un Plan d’Epargne Groupe (PEG) ou un Plan d’Epargne de REtraite COllectif (PERECO), la prime est alors défiscalisée (exclue du calcul de l’impôt sur le revenu) et exonérée de cotisations sociales. Ces incitations s’adressent à ceux qui peuvent mettre de l’argent de côté. Elles montrent aussi l’hypocrisie du gouvernement et du patronat quand ils déclarent vouloir « sauver le régime de retraite par répartition », tandis qu’ils nous encouragent à investir dans des systèmes de retraite par capitalisation que sont les PERECO et à échapper aux cotisations sociales qui permettent de financer les retraites.