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Des ordonnances pour « rénover » le Code du Travail : entre illusions et archaïsmes

Publié le 10 juillet 2017 à 10h11 - Mis à jour le 10 juillet 2017 à 9h57

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A peine élu, le nouveau gouvernement a fait de la modification du Code du Travail sa priorité. L’urgence serait telle qu’il utilise des Ordonnances, un processus qui lui permet d’agir rapidement pendant les congés d’été, en espérant éviter grèves et manifestations comme lors de la loi El Khomri.

Cette semaine, le gouvernement doit d’abord faire adopter par le Parlement son projet de loi l’habilitant à modifier le Droit du Travail par ordonnances. En voici le contenu. A chacun de se faire son avis !

Article 1 : « Attribuer une place centrale à l’accord d’entreprise »

  • Primauté de l’accord d’entreprise sur la branche : Faciliter les possibilités pour un accord d’entreprise de déroger à l’accord de branche (par exemple, Renault dépend de la branche Métallurgie, et ses salariés bénéficient des acquis de la Convention Collective de la Métallurgie).
  • Primauté de l’accord d’entreprise sur le contrat de travail : Appliquer un accord d’entreprise automatiquement, même si le contrat de travail du salarié lui est plus favorable. Un salarié qui refuserait une modification de son contrat de travail serait alors licencié pour faute, sans indemnités.
  • Référendum : Consulter les salariés pour valider un accord, y compris à l’initiative de l’employeur (initiative réservée aujourd’hui aux syndicats).
Le Droit du travail repose sur une hiérarchie des normes en faveur des salariés : un accord d’entreprise ne peut pas être plus défavorable qu’un accord de branche, et un accord de branche ne peut pas être en dessous du code du travail.
Au fil du temps, cette hiérarchie a subi des dérogations, dont la loi El Khomri de 2016, dite Loi travail, qui inverse cette hiérarchie en matière de temps de travail (et permet par exemple d’allonger le temps de travail par un accord d’entreprise).
Le nouveau gouvernement veut que l’accord d’entreprise prime désormais dans la plupart des domaines (salaire, période d’essai, préavis, congés, indemnité de licenciement…), même, et surtout, quand il est plus défavorable au salarié. Tout accord négocié serait présumé conforme à la loi.
L’employeur pourrait utiliser le referendum pour contourner des syndicats pas assez complaisants, et imposer des reculs sociaux (en menaçant de fermer l’entreprise, comme à Smart en Moselle).

Article 2 : « Mettre en place une nouvelle organisation du dialogue social »

  • Fusion : Fusionner en une seule instance les Délégués du Personnel (DP), le Comité d’Entreprise (CE) et le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT).
  • Chèque syndical : Permettre à chaque salarié de choisir à quel syndicat l’employeur apporterait des ressources financières.
Cette fusion réduirait le nombre de représentants du personnel, et d’instances dans lesquelles ils opèrent un contre-pouvoir à celui de l’employeur (ce dernier disposant du pouvoir de subordination sur ses salariés, du pouvoir économique et de la direction de l’entreprise). Moins nombreux, les élus seraient de plus en plus absorbés dans des tâches institutionnelles et coupés des salariés. Le syndicat serait financé par l’employeur (et non plus par ses adhérents), ce qui renforcerait sa dépendance.

Article 3.1 : « Sécuriser la relation de travail ou les effets de sa rupture pour les employeurs et pour les salariés »

  • Indemnités : Plafonner les dommages et intérêts alloués par les juges pour licenciement abusif.
  • Délai de recours : Réduire le délai de recours aux Prud’hommes des salariés (2 mois au lieu de 12)
  • Seuil : Augmenter le seuil de déclenchement d’un PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi), fixé aujourd’hui à 10 salariés licenciés.
  • Reclassement : Réduire les obligations de l’employeur en matière de reclassement.
  • Périmètre : Faciliter les licenciements économiques en redéfinissant le périmètre géographique et le secteur d’activité dans lesquels la cause économique est appréciée.
  • Inaptitude : Réduire le nombre de postes qu’un salarié peut refuser avant d’être licencié pour inaptitude
Pour le gouvernement et le MEDEF, les difficultés de licenciement empêcheraient d’embaucher. Une affirmation démentie par les faits : l’Espagne et l’Italie ont facilité ces dernières années les licenciements sans que le chômage ne diminue. En France, il est plus facile de licencier qu’en Allemagne. Par contre, rien n’est prévu concernant la sécurité du salarié (notamment sur l’explosion de sa charge de travail).

Article 3.2 : « modifier les règles de recours à certaines formes particulières de travail »

  • Contrat à Durée Déterminée (CDD) : Faciliter les motifs de recours, les cas de rupture, la durée maximale, le nombre de renouvellements, la période de carence entre 2 CDD.
  • Intérim : Elargir la durée maxi, le nombre de renouvellements, la carence entre 2 contrats d’intérim.
  • Contrat à Durée Indéterminée (CDI) : Elargir la période d’essai, modifier les règles sur le préavis, les congés familiaux, les indemnités et le motif de licenciement.
  • Contrat de chantier : Elargir à d’autre branches le recours aux Contrats de Chantier (autorisés aujourd’hui dans le BTP et Syntec).
  • Travail de nuit : Faciliter le recours au travail de nuit.
Ces mesures augmenteront la flexibilité et l’insécurité pour les salariés. Le gouvernement veut contourner le CDI, tout en réduisant les avantages de celui-ci pour le salarié. Cette « rénovation » du Code du travail est en fait une dérèglementation, accentuant la mise en concurrence des salariés et leur précarité.

Liberté pour les uns, précarité pour les autres

Muriel Pénicaud, la ministre du travail, justifie le contenu de ces ordonnances par la nécessité de « rénover » le Code du travail pour s’adapter aux évolutions de l’économie (« mondialisation », « transformation technologique ») et aux « nouvelles attentes de salariés ».

Ces ordonnances reprennent en fait une série de revendications du MEDEF qui a trouvé dans l’ancienne DRH du groupe Danone un porte-voix. Grâce à ces ordonnances, les employeurs auraient effectivement moins de contraintes, plus de liberté et de sécurité. Mais la liste des mesures annoncées montre que cette liberté et cette sécurité se feraient au détriment de celles des salariés.

Le Droit du travail tente de limiter le pouvoir absolu des employeurs sur leurs salariés. Avec les nouvelles technologies, le travail s’intensifie et se complexifie, effaçant la frontière vie privée/vie professionnelle. Adapter le droit du travail devrait viser à en protéger les salariés. Le projet du gouvernement fait l’inverse.

Qu’y a-t-il de moderne à réduire ces protections, à remettre en cause le CDI en développant les contrats précaires, à revenir sur des lois visant à limiter les licenciements abusifs ou à défaut à les dédommager ?

Le gouvernement prétend répondre aux « nouvelles attentes des salariés »… en développant l’intérim, les CDD et les contrats de chantier.
L’afflux de candidatures reçues par Renault à l’annonce du déblocage des recrutements montre que le CDI reste toujours la principale attente des salariés et des jeunes.

Lire le tract du 10 juillet 2017


 


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