Harcèlement sexuel au travail : une campagne d’information nécessaire
Harcèlement moral : quand Renault procède à des enquêtes internes
Harcèlement moral : quand Renault procède à des enquêtes internes
Publié le 16 octobre 2016 à 10h19 - Mis à jour le 15 septembre 2019 à 9h16
Enquêtes internes et sanctions disciplinaires
Des salariés ont été entendus dans le cadre d’enquêtes internes, suite à des accusations de harcèlement moral. Ces enquêtes sont menées par les RHs qui évoquent lors des entretiens une procédure d’entreprise. Ces enquêtes peuvent
aboutir à des licenciements pour faute.
Interrogée par les Délégués du Personnel SUD lors de la réunion du 20 septembre 2016, la direction a reconnu mener des « enquête[s] contradictoire[s] conformément aux exigences de la Cour de Cassation ».
Par contre, elle a refusé de communiquer la procédure d’entreprise (acteurs, déroulement, documents S2N, sanctions ...), assurant seulement mener ces enquêtes « de façon contradictoire, chaque partie étant entendue ».
Ce que dit la loi :
Le harcèlement moral est très encadré juridiquement : article L1152-1 du Code du travail, article 222-33-2 du Code Pénal, nombreuses jurisprudences...
En cas de harcèlement moral, l’employeur doit faire cesser les agissements de harcèlement et peut mener une enquête. Mais l’absence de transparence sur cette procédure interne ne peut susciter qu’une grande méfiance.
Si vous pensez être victime de harcèlement (brimades, dénigrements, reproches infondés de manière répétitive, exclusion, privation de travail, menaces, pressions continuelles pour vous pousser au départ, mise au placard...) ou en être accusé à tort, ne restez pas isolé.
Ne laissez pas votre état de santé se dégrader : contactez-nous !
Les Délégués du Personnel peuvent mettre des alertes (article L2313-2) et vous accompagner.
Faites-le si possible avant de porter officiellement vos accusations. Il est arrivé que l’enquête interne se retourne contre le plaignant.
Procédure de médiation
Le code du travail (article L1152-6) prévoit une procédure de médiation.
Mais selon la direction, « cet article n’a pas été mis en œuvre, aucune demande en ce sens n’ayant été formulée ».
Article L1152-6 du Code du travail :
Une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause.
Le choix du médiateur fait l’objet d’un accord entre les parties.
Le médiateur s’informe de l’état des relations entre les parties. Il tente de les concilier et leur soumet des propositions qu’il consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement.
Lorsque la conciliation échoue, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime.
Prévention du harcèlement moral
Selon le code du travail (article L1152-4), l’employeur doit également prendre des mesures de prévention du harcèlement.
Pour la direction, « cette prévention est assurée par l’affichage de l’article 222-33-2 du code pénal qui définit le harcèlement. »
Afficher, faire connaitre les articles de loi est nécessaire. Mais ce n’est pas suffisant.
Pour combattre le risque à sa source, il faut aussi s’interroger sur certaines formes de management qui provoquent ces dérives, les rythmes de travail, la pression par les objectifs, le manque de fiche de poste...
Article L1152-4 du Code du travail :
L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. Les personnes mentionnées à l’article L. 1152-2 sont informées par tout moyen du texte de l’article 222-33-2 du code pénal.Article L1152-2 du Code du Travail :
Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.Article 222-33-2 du Code Pénal :
Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
Déroulement d’une enquête interne pour harcèlement : l’avis d’une avocate
L’enquête interne est sans doute l’une des étapes les plus importantes du processus de traitement d’une plainte pour harcèlement psychologique, pour toutes les parties impliquées. Elle a après tout pour but de déterminer ce qui s’est réellement passé.
Lorsque la plainte n’a pas été réglée par une procédure telle la médiation ou que la personne contre qui la plainte est formulée (la partie mise en cause) nie les faits qui lui sont reprochés, et si la plainte n’apparaît pas d’emblée frivole, le responsable d’une politique contre le harcèlement au travail peut déclencher une enquête interne.
L’enquêteur obtient tout d’abord de la personne responsable une copie de la documentation pertinente dont la politique en vigueur et le libellé de la plainte. Il vérifie si chacune des allégations est bien définie. Si ce travail n’a pas été fait au préalable par le responsable du dossier, l’enquêteur dresse la liste des allégations avec la partie plaignante et à la lui fait approuver. Il informe aussi la partie mise en cause de ce qui lui est reproché.
Quelques principes utiles
- L’enquête doit être déclenchée avec célérité (meilleures seront alors les chances de connaître exactement ce qui s’est passé et de régler le problème).
- La personne choisie pour mener l’enquête, que ce soit à titre d’enquêteur interne ou d’enquêteur externe mandaté à cette fin (consultant) ou encore à titre de membre d’un comité d’enquête, doit posséder des qualités personnelles, des connaissances, des compétences ainsi que la formation et l’expérience pertinentes pour mener l’enquête à bien.
- L’enquêteur doit être disponible, avoir une bonne connaissance du concept de harcèlement au travail et être crédible de manière à ce que les parties se sentent en confiance et respectées.
- L’enquêteur ne devrait pas avoir un lien d’autorité avec les parties impliquées ni relever d’elles.
- L’enquêteur devrait s’assujettir à un protocole de conduite et enquêter sur chacune des allégations.
- L’enquêteur rencontre une à une les parties directement en cause ainsi que les témoins identifiés, leur explique le déroulement du processus (prise de déclarations, confidentialité, etc.). Il peut arriver que les parties demandent à être accompagnées. Plusieurs politiques le permettent en prévoyant cependant que le rôle des accompagnateurs est limité. Les accompagnateurs ne sont pas et ne doivent pas être appelés à titre de témoins et ils agissent simplement à titre d’observateurs.
- Les rencontres doivent se faire en privé afin de respecter la confidentialité. Il est incidemment raisonnable d’obtenir à cet égard un engagement écrit des personnes impliquées et de toutes les personnes rencontrées.
- L’enquêteur doit être bien organisé et ne pas avoir de préjugés. Il doit écouter les parties et les témoins et obtenir des détails pertinents. Chaque personne rencontrée relit et signe sa déclaration dont elle peut conserver une copie. L’enquêteur conserve les originaux.
- Le rapport d’enquête (introduction, description du mandat, historique, description de la plainte et des allégations, méthodologie, description de la documentation examinée, résumé des faits révélés, analyse et conclusion), doit être signé et daté par l’enquêteur et remis sous pli confidentiel au responsable.
La façon dont l’enquête interne est menée peut faire toute la différence et le sérieux accordé à chaque étape démontre que l’employeur ne traite pas ces cas à la légère. Bien qu’il ne soit pas toujours agréable d’avoir à se soumettre à un tel processus, les personnes impliquées doivent reconnaître que leur collaboration est essentielle au nom du respect des obligations qui leur incombent et qui visent, en particulier, à promouvoir un milieu de travail exempt de harcèlement.
Isabelle Cantin, LL.M., CRHA, est avocate.
Cet article a été publié dans le quotidien La Presse le 22 janvier 2005.
Enquête de harcèlement au travail : l’avis d’une consultante en Ressources humaines et Relations de travail
Comment gérer une plainte de harcèlement au travail ?
Comme nous l’avons vu dans notre article sur la Prévention des Conflits et du harcèlement en milieu de travail, l’obligation d’un employeur en matière de prévention en matière de harcèlement au travail varie selon qu’il s’agisse d’une entreprise de juridiction fédérale (Code Canadien) ou de juridiction provinciale (Loi sur les Normes du Travail).
Mais malgré les efforts de prévention il arrivera peut-être que vous ayez à gérer ou à vivre une plainte de harcèlement. La loi désire protéger les employés de « toutes formes de harcèlement ». En d’autres termes, qu’il s’agisse de harcèlement moral (ou harcèlement psychologique), de harcèlement sexuel, de cyberharcèlement ou de violences physiques, toutes les formes de harcèlement sont prises en compte dans la recherche d’un « milieu de travail sain et exempt de toute forme de harcèlement ».
Une plainte de harcèlement est une accusation grave. Personne ne souhaite se retrouver dans cette situation, pas plus la personne plaignante, potentiellement victime d’événements qui ont eu des conséquences néfastes sur sa santé, sur sa vie professionnelle et privée que la personne mise en cause qui se voit accusée et qui devra, elle aussi, gérer les potentielles répercussions sur sa vie professionnelle et privée (certaines personnes restant sur le préjugé qu’il « n’y a pas de fumée sans feu »).
Diligence !
Ce que vous devez retenir est que vous devez agir avec diligence. Votre rapidité d’actions empêchera une situation de se détériorer davantage et vous démontrerez votre bonne foi dans votre souci de protection de vos employés lors d’une telle situation. Mais attention, rapidité ne signifie pas précipitation.
Cet article ne remplacera pas l’expertise nécessaire pour mener à bien une enquête mais vous aidera à en comprendre le processus à haut niveau si vous aviez à traiter une plainte ou à la vivre comme étant une partie impliquée.
Que faire lorsque vous recevez une plainte en matière de harcèlement au travail ?
Vous devez être rapides et faire plusieurs choses simultanément tout en conservant la confidentialité de la plainte :
- Relire ce que dit votre politique et procédure en la matière, si votre entreprise en possède une ;
- Informer la personne mise en cause d’une plainte déposée à son endroit ;
- Faire cesser la conduite alléguée en instaurant une mesure transitoire au besoin ;
- Étudier la recevabilité de la plainte. De l’étude de cette recevabilité de la plainte, naitra votre obligation de faire enquête et donc d’éventuellement nommer un enquêteur au dossier et lui confier officiellement le mandat d’enquêter ;
- Préparer un calendrier des rencontres et définir le lieu où elles se tiendront. Le lieu devrait permettre de garantir la confidentialité des rencontres.
- Important à prendre en considération : si les comportements reprochés relevés du code criminel (agression sexuelle par exemple), il faudrait que les autorités compétentes soient informées car l’enquête relèverait alors de leur compétence.
Plus précisément, en quoi consiste ces étapes ?
• Politique et procédure en matière de harcèlement au travail
1- Si votre compagnie est outillée d’une Politique en matière de harcèlement au travail il est temps de la relire. Encore mieux, si cette politique prévoit le mécanisme d’une plainte, regardez quelles sont les étapes prévues dans votre organisation et si ces étapes sont respectées. En effet, vous pourriez vous faire reprocher de ne pas avoir respecter les étapes préalablement prévues. Par exemple, la procédure prévoit peut-être qu’une plainte peut d’abord être traitée de manière informelle selon la nature des allégations. La procédure pourrait prévoir qu’une plainte doit être rédigée par écrit et envoyée à une personne ou un service en particulier, ou encore certaines organisations syndiquées ont un mécanisme conjoint avec le(s) Syndicat(s) présent(s) dans la compagnie pour gérer les enquêtes en matière de harcèlement. Il ne faudrait donc pas que vous omettiez des étapes.
Pour les entreprises qui ne possèdent pas une telle politique, peut-être que cet article vous fera réfléchir à sa potentielle mise en place.
• Faire cesser le ou les comportements inappropriés ou la mesure transitoire
2- Informer la partie mise en cause. Il est un principe de base qu’une personne accusée doit en avoir connaissance et doit pouvoir se défendre. La personne mise en cause pourrait vouloir chercher conseils auprès de son Syndicat ou d’un avocat.
3- Lorsqu’une plainte en harcèlement est déposée, il est de la responsabilité de l’employeur, ou de son représentant, de faire cesser le(s) comportement(s) inapproprié(s). Évidemment le tout doit être fait dans les meilleurs délais (comprendre : tout de suite). Comment ? En instaurant par exemple une mesure transitoire. En quoi consiste une mesure transitoire ? Elle permet de protéger autant la personne plaignante que la personne mise en cause. Cette mesure évite que la situation dégénère suite au dépôt de la plainte. Il arrive que la personne qui porte plainte soit en arrêt de travail à ce moment-là. La mesure transitoire est donc mise en place d’elle-même puisque la personne plaignante n’est pas au travail et ne le sera probablement pas avant que l’enquête soit terminée. Mais attention, une mesure transitoire ne doit pas être perçue comme une reconnaissance de culpabilité. La procédure doit être bien expliquée aux parties pour éviter tous malentendus.
La mesure transitoire pourrait aussi consister à :
- affecter temporairement la personne plaignante ou la personne mise en cause dans un autre département lorsque cela est possible ;
- si la plainte découle d’une relation verticale (employé(e) versus sa/son gestionnaire), il peut être envisagé que la personne relève temporairement d’un(e) autre gestionnaire tout en restant dans son poste ;
- si les deux premières solutions n’étaient pas envisageables, vous pourriez aussi envisager de suspendre avec solde pour fin d’enquête la personne plaignante ou la personne mise en cause en prenant soin d’expliquer à la partie qui sera suspendue momentanément qu’il ne s’agit pas d’une sanction ou d’une reconnaissance d’une quelconque conclusion hâtive mais bien d’un mécanisme de protection pour toutes les parties.
- Même chose si la plainte découlait d’une relation horizontale (employés sans lien de hiérarchie). Il serait possible de considérer de transférer temporairement une des deux personnes dans un autre service ou selon les enjeux de suspendre avec solde les deux parties pour fins d’enquête. Là encore, la démarche devra être bien expliquée pour éviter les perceptions négatives.
Qu’elle que soit la mesure transitoire retenue, il est important de tout faire pour maintenir la réputation des personnes. Cette recherche de préservation de la réputation des personnes et de la confidentialité de la plainte, peut favoriser le choix de la mesure transitoire.
Si vous décidiez de ne pas mettre en place de mesure transitoire, il faudrait minimalement que vous mettiez en place un mécanisme de vigie pour vous assurer que la personne plaignante ne subit pas de représailles suite au dépôt de sa plainte et que le climat de travail est sain pour toutes les personnes impliquées ainsi que pour leurs collègues.
• La recevabilité de la plainte
4- Idéalement vous avez, lors de la connaissance de la plainte, demandé à la personne plaignante de vous remettre une plainte par écrit. Cette plainte devrait comporter toutes les allégations faites contre la personne mise en cause. C’est en analysant cette plainte écrite que vous serez en mesure de déterminer sa recevabilité. La recevabilité de la plainte devrait être étudiée par une personne du Service des Ressources humaines ou par la personne identifiée selon la Politique en la matière s’il en existe une.
Comme pour l’enquête, la recevabilité de la plainte devrait être étudiée par une personne compétente en la matière.
Qu’est-ce que la recevabilité d’une plainte ?
Pour être capable de déterminer si une plainte est recevable et mérite enquête, il faut d’abord rappeler la définition de ce qu’est du harcèlement en milieu de travail :
Le harcèlement au travail est défini comme étant :
- Une conduite vexatoire ;
- Qui se manifeste de façon répétitive (attention cependant, un seul événement pourrait être suffisant si celui-ci est jugé suffisamment grave et a les mêmes conséquences qu’une conduite répétée) ;
- De manière hostile ou non désirée ;
- Qui porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié ;
- Qui entraîne un milieu de travail néfaste ou, dans le cas de la conduite grave unique, un effet nocif continu.
Ces 5 éléments doivent être présents pour déterminer qu’il s’agit de harcèlement en milieu de travail.
Pour être capable de déterminer si une plainte est recevable et mérite enquête, il faut également rappeler ce qui ne constitue pas du harcèlement comme par exemple :
- La gestion de la non-performance,
- La gestion disciplinaire.
Mais attention même si ces exemples relèvent d’un droit de gestion, il faut que l’exercice de ce droit ne soit pas fait de façon abusive ou discriminatoire.
L’analyse de la recevabilité de la plainte devrait donc statuer si les allégations faites s’avéraient être réelles et fondées si elles répondraient à la définition de harcèlement. Souvent, même si l’analyse de la recevabilité de la plainte n’est pas tranchée, les employeurs préfèreront faire enquête afin de s’assurer de faire la lumière sur ce qui est allégué et répondre à leurs obligations.
Après l’analyse de recevabilité de la plainte ? Le choix d’un enquêteur.
Si vous en venez à la conclusion que vous souhaitez qu’une enquête soit menée, il vous faudra nommer un enquêteur. L’enquêteur pourrait provenir de l’interne comme de l’externe. Il lui faudra dans tous les cas posséder les qualités suivantes :
- Être compétent pour mener l’enquête. On entend par compétence une personne qui a une formation pertinente en la matière et qui a appris à gérer ce genre de dossier ;
- Impartial et neutre. Même si l’enquêteur est choisi à l’interne, il ne devra en aucun cas connaître ni la personne plaignante ni la personne mise en cause ni la situation pouvant avoir conduit à la plainte. De plus, il devra pouvoir mener son enquête sans pression de devoir prendre position pour une ou l’autre des parties ;
- Démontrer une grande capacité d’écoute ;
- Être disponible pour mener l’enquête dans les meilleurs délais ;
- Être en mesure de rédiger le rapport requis.
- Garder l’ensemble de l’enquête confidentiel.
Enfin, le rôle de l’enquêteur n’est pas de juger une personne ou de porter des jugements de valeurs mais de qualifier une situation selon les critères mentionnés plus haut. La liste des qualités requises est loin d’être anodine. Le fait de confier une enquête à une personne qui n’en a pas la compétence peut avoir des répercussions désastreuses sur les personnes impliquées dans l’enquête et sur votre entreprise. L’enquêteur est tenu de respecter une grande rigueur dans l’exécution de son enquête en ayant une méthodologie définie. L’ordre des CRHA[1] et l’Ordre des Avocats ont des codes de conduite à respecter pour mener ce genre d’enquête. Un enquêteur devrait toujours être en mesure de justifier sa méthodologie pour l’exécution d’une enquête. Il pourrait être amené à l’expliquer devant un arbitre.
[1] CRHA_ Conseillers en Ressources Humaines Agréés
Comment se passe une rencontre ?
L’enquêteur devrait idéalement suivre l’ordre suivant pour les rencontres :
1- La personne plaignante. Il faudra à la personne plaignante assumer une grande partie du fardeau de la preuve, c’est-à-dire, apporter les éléments de ce qu’elle avance. La personne plaignante n’est pas toujours en mesure de prouver par des documents ou autres preuves concrètes ce qu’elle allègue. Il faudra donc que l’enquêteur tienne compte, entre autres choses, de la prépondérance de la preuve, c’est-à-dire lorsqu’un fait est plus probable d’avoir effectivement eu lieu que l’inverse. Comment ? En évaluant par exemple la vraisemblance, la cohérence et la constance du récit. L’enquêteur fera également appel à la notion de « personne raisonnable » c’est-à-dire en se demandant comment une personne, qualifiée dans la moyenne des autres, placée dans les mêmes circonstances que la personne plaignante aurait-elle réagit ?
2- La personne mise en cause. Il faudra à la personne mise en cause répondre aux allégations faites contre elle. La personne mise en cause devrait avoir tout le temps nécessaire pour répondre à chacune des allégations et fournir, elle aussi, tous les documents qu’elle juge pertinents pour l’analyse de la plainte. Lorsque des allégations sont en lien avec un exercice lié à un droit de gestion, comme la gestion d’un dossier de non-performance par exemple, un gestionnaire qui aura gardé des notes des diverses rencontres ou des courriels en lien avec d’éventuelles demandes ou évaluations verra sa tâche facilitée (vous pouvez lire l’article sur ce sujet et ferez par vous-même le lien de l’importance de documenter tous dossiers en lien avec un suivi qu’il soit disciplinaire ou autre).
3- Les témoins. Les témoins doivent être rencontrés dans le but de corroborer ou d’infirmer les dires des deux parties. Avant de convoquer un témoin il faut se demander la plus-value de son témoignage pour l’enquête. En effet, il s’agit d’identifier les personnes clés, celles qui ont été citées comme ayant été réellement témoins d’un événement particulier ou celles qui peuvent apporter des explications sur des questionnements liés à l’enquête. Il ne s’agit pas, vous le comprenez, de multiplier considérablement les rencontres de témoins cela afin que le moins de personnes possibles soient au courant du fait de l’enquête et donc de minimiser l’atteinte à la réputation des parties.
4- Éventuellement une 2ème rencontre avec la personne plaignante ou la personne mise en cause pour revenir sur certains éléments s’ils ne sont pas clairs ou si des contradictions apparaissaient.
Cet ordre peut différer selon certaines circonstances.
Chaque personne rencontrée lors de l’enquête a le droit d’être accompagnée. Il faut néanmoins mettre des balises claires sur le fait qu’une personne qui assiste au témoignage d’une des parties, ne pourra pas être elle-même entendue à titre de témoin ensuite et cela afin que son récit ne soit pas influencé. Aussi, une personne accompagnatrice ne devrait pas intervenir dans les échanges entre l’enquêteur et la personne plaignante ou mise en cause ou témoin. Toutes les personnes rencontrées, y compris les personnes accompagnatrices, devront s’engager à garder le fait de l’enquête confidentiel et donc, tout ce qu’ils ont entendu.
Certains enquêteurs enregistrent les rencontres, certains retranscrivent ensuite les enregistrements sur papier, d’autre non. D’autres enquêteurs, dont moi, prennent des notes les plus fidèles possibles des propos tenus. Ces notes dites « contemporaines » se veulent être quasiment du mot pour mot.
Dans tous les cas, les personnes rencontrées lors de l’enquête doivent pouvoir prendre connaissance des notes prises et en assurer l’exactitude.
Les conclusions de l’enquête
Une fois tous les témoignages et les documents recueillis, l’enquêteur devrait être en mesure de statuer sur les allégations de la personne plaignante. Il remet un rapport à la personne d’autorité qui lui a confié le mandat. Le rapport reste généralement confidentiel mais il peut en être différemment selon la politique en vigueur dans la compagnie.
Comme nous l’avons dit précédemment, les conclusions de l’enquête devraient clairement établir si les cinq critères de la définition de harcèlement sont rencontrés ou non et le rapport devra en faire état.
L’enquêteur peut en venir aux conclusions suivantes :
- Il n’y a pas de harcèlement au sens de la loi et la politique interne a été respectée ;
- Il n’y a pas de harcèlement mais des éléments sont à considérer ;
- Il n’y a pas de harcèlement et la plainte est frivole ;
- Il y a harcèlement et la politique interne n’a pas été respectée
L’enquêteur peut rendre un rapport de recommandations au mandant mais il appartient à l’employeur, et non à l’enquêteur, de prendre les décisions qu’il juge appropriées suite aux conclusions de l’enquête.
La personne plaignante et la personne mise en cause devront être rencontrées pour connaitre les conclusions de l’enquête. Dans le cas d’une plainte de harcèlement où la conclusion serait à l’effet que l’ensemble des allégations ne répond pas à la définition de harcèlement, il est tout de même important que la personne plaignante sache que l’enquête ne nie pas ses propos mais que la prépondérance de la preuve n’a pas permis de qualifier l’ensemble des allégations comme étant du harcèlement. Même chose pour la personne mise en cause qui, même si la conclusion était à l’effet qu’il n’y a pas harcèlement, devrait se voir expliquer les différents manquements qui auraient pu être relevés.
Si l’enquête révélait que la plainte est frivole ou mensongère, des conséquences pourraient être prises contre la personne ayant initiée la plainte.
Une entreprise qui connait une telle situation devrait en tirer un bénéfice et en profiter pour corriger certains éléments soulevés par l’enquête. Il peut par exemple s’agir d’un manque de gestion, d’un manque de formation, d’un manque dans l’organisation du travail, etc.
Conclusion
Une enquête est un processus très sérieux qui demande que plusieurs éléments soient respectés, notamment : la diligence, l’impartialité, la confidentialité, la compétence. Une enquête bien menée déterminera l’après enquête. Ne pas respecter ces principes ou bâcler une enquête pourrait avoir de fâcheuses conséquences pour les personnes impliquées, comme pour leurs collègues et donc pour l’entreprise.
Pour les personnes qui souhaiteraient en savoir davantage sur les possibles recours, vous pouvez vous référer au site de la CNESST. [1]
[1] CNESST- Commission des Normes, de l’Équité et de la Santé et Sécurité au Travail