Une contribution à l’enquête « Renault et le monde d’après »
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Une contribution à l’enquête « Renault et le monde d’après »
Publié le 14 septembre 2020 à 17h03 - Mis à jour le 27 octobre 2020 à 7h12
Un salarié du Technocentre nous a écrit dans le cadre de notre enquête « Renault et le monde d’après ». Lisez l’intégralité de sa contribution (parue en partie par tract) sur le plan d’économie de Renault et la nécessité de répondre à la fois à l’urgence sociale, démocratique et climatique.
Tous les salariés sont experts. Prenez la parole !
Confrontés à l’urgence climatique et sociale, chaque salarié du groupe est porteur d’expertises et de savoir-faire. Faisons-les entendre ! Après l’ère Ghosn, nous avons besoin de plus de démocratie dans l’entreprise.
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SUD lance une grande initiative pour recueillir l’avis et les propositions des salariés : Cliquez ici et participez à l’enquête « Renault et le monde d’après » |
Dans ce cadre, voici la contribution d’un salarié du Technocentre :
« Il y a deux manières de faire « comme avant mais en pire » après la crise du covid19 :
- Relancer la prolifération insoutenable des SUV et autres véhicules lourds et polluants (que ce soit VE ou Thermique), voraces en énergie et en data.
- Dilapider au nom de la crise ce qui reste du tissu industriel régional (outils, compétences, emplois)
Nous contribuerions alors à une accélération de la crise climatique et une dépendance encore plus grande pour répondre à nos besoins à venir.
Le plan d’économie présenté par la direction répond de manière biaisée à ces enjeux. Selon le principe du Leader/Follower, elle va laisser faire les véhicules à fort impact environnemental par les autres régions, puis les importer selon la demande. Idem pour les véhicules thermiques low-cost. Ce qui ne répond en rien à l’échelle mondiale du groupe au problème de prolifération insoutenable.
Par contre, à l’échelle du « plan d’économie » en France, cela a pour conséquence, avec un effet multiplicateur sur nos sous-traitants et fournisseurs de dilapider ce qui reste de tissu industriel régional. Par exemple, la fermeture de Flins entraine celle d’Adient (sièges). Les outils et compétences d’Adient utilisables dans d’autres domaines que la branche automobile disparaissent, le tissu industriel perd en diversité et en résilience. Exactement à l’opposé des enseignements du Covid19. Il faudrait que l’analyse critique du plan s’appuie sur un critère de résilience du tissu industriel local/régional, pour différencier les scénarios qui le consolident et ceux qui le détruisent. Et cette analyse est à mener région du monde par région du monde.
Le plan d’économie (qui trahit par son nom même son absence de vision stratégique) ne propose pas de changer le modèle qui, de crise en crise, nous rend plus vulnérables et plus dépendants de ressources globalisées (ailleurs, de l’autre côté de la planète de préférence). Au contraire comme on l’a vu dans le paragraphe précédent, il l’accélère. Il ne pose pas non plus la question du système de valeur indispensable à l’avenir de l’entreprise : des services de mobilité qui démontrent leur contribution au bien commun. Le contraire des SUV hybrides qui s’engouffrent dans les failles du CAFE. A ce titre, la raison d’être que s’est concoctée le groupe (« rendre la mobilité durable et accessible à tous, partout dans le monde ») est floue et manque d’ambition sociale et environnementale.
La « raison d’être » est une option proposée par la loi PACTE. Une sorte d’auto-déclaration de l’entreprise qui n’engage à rien, autant dire une savonnette mouillée posée sur le bord d’un lavabo. Malheureusement la prise en compte des enjeux climatiques et sociétaux n’est plus une option marketing. Nos multinationales dont le statut juridique n’est défini que par le profit et la redistribution aux actionnaires vont continuer à ravager la planète et ses habitants si elles ne changent pas radicalement de règles du jeu : elles doivent avoir une obligation incontournable d’œuvrer pour le bien commun. L’entreprise doit être publiquement challengée sur sa contribution à des activités et productions socialement utiles. Il serait d’ailleurs incompréhensible que l’entreprise continue à bénéficier d’aides publiques (ex-CICE, CIR…), financées par les citoyens sans contrepartie équivalente de contribution au bien commun…
Nulle part dans le plan il n’est question non plus d’économies sur les plus hauts revenus pour préserver des emplois. Rien non plus sur des limitations de redistribution aux actionnaires. Aucun chiffrage du nombre d’emplois qui pourraient ainsi être sauvegardés le temps de préparer le futur.
Aucun scenario alternatif au plan d’économie n’est évoqué, et pour cause il n’est pas proposé de critères pour le construire, alors qu’ils sont là, sous notre nez : si l’on veut être compatible avec la COP21, (le CAFE qui ne concerne que la phase d’usage du véhicule ne suffit pas), il faudrait réduire chaque année nos émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) de -7 %. On patine à -3 %. La convention citoyenne nous incite diagnostiquer et réduire les écocides auxquels nous contribuons, s’y est-on vraiment engagé à fond ? On peine à s’engager sur un 30% de matériaux recyclables/renouvelables, et s’y on chiffrait un scénario à 75% ? Nous faisons une bonne partie de notre bénéfice sur ce que l’on nomme les « externalités négatives » (en gros des impacts qu’on ne paye pas), et si on décidait de les internaliser ? Voilà des enjeux qui mériteraient de sérieuses études et le chiffrage des ressources humaines et des compétences qu’il faudrait pour les réussir. Est-ce vraiment le moment de disperser façon puzzle les ressources d’ingénierie ?
Nos dirigeants sont mandatés pour faire du profit coute que coute, ce n’est donc pas d’eux qu’il faut attendre un changement de système de valeur. A terme, seul un changement du modèle de gouvernance de l’entreprise pourrait rééquilibrer les pouvoir du capital et des salariés. Et nous, citoyens salariés, sommes tous concernés et avisés, parce que l’on pense quotidiennement aux générations qui viennent et à ce que l’on va leur laisser tant sur le plan des conséquences des inégalités sociales que de la dégradation de la planète. »
PB, ingénieur et salarié Renault au Technocentre, le 12 septembre 2020.